Nous proposons ici trois méthodes différentes pour endommager les fibres sensorielles qui innervent la cornée. Ces méthodes facilitent l’étude de la régénération axonale chez la souris. Ces trois méthodes, adaptables à d’autres modèles animaux, sont idéales pour l’étude de la physiologie et de la régénération de l’innervation cornéenne.
La cornée est un tissu transparent qui recouvre l’œil et qui est crucial pour une vision claire. C’est le tissu le plus innervé du corps. Cette innervation procure sensation et fonction trophique à l’œil et contribue à préserver l’intégrité cornéenne. La perturbation pathologique de cette innervation est appelée kératite neurotrophique. Cela peut être déclenché par une blessure à l’œil, une intervention chirurgicale ou une maladie. Dans cette étude, nous proposons trois protocoles différents pour infliger des dommages à l’innervation de manière à récapituler les trois types de cas généralement rencontrés en clinique.
La première méthode consiste à effectuer une abrasion de l’épithélium à l’aide d’une fraise ophtalmique. Cela implique l’ablation de la couche épithéliale, des terminaisons nerveuses libres et du plexus sous-basal d’une manière similaire à la chirurgie de kératectomie photoréfractive réalisée en clinique. La deuxième méthode ne cible l’innervation qu’en la sectionnant à la périphérie avec un poinçon de biopsie, en maintenant l’intégrité de l’épithélium. Cette méthode est similaire aux premières étapes de la kératoplastie lamellaire et conduit à une dégénérescence de l’innervation suivie d’une repousse des axones dans la cornée centrale. Cette dernière méthode endommage l’innervation d’un modèle de souris transgénique à l’aide d’un microscope multiphotonique, qui localise spécifiquement le site de cautérisation des fibres nerveuses fluorescentes. Cette méthode inflige les mêmes dommages que la photokératite, c’est-à-dire une surexposition aux rayons UV.
Cette étude décrit différentes options pour étudier la physiopathologie de l’innervation cornéenne, en particulier la dégénérescence et la régénération des axones. Favoriser la régénération est crucial pour éviter des complications telles que des défauts de l’épithélium ou même une perforation de la cornée. Les modèles proposés peuvent aider à tester de nouvelles molécules pharmacologiques ou des thérapies géniques qui améliorent la régénération nerveuse et limitent la progression de la maladie.
La cornée, qui est la surface transparente de l’œil, est composée de trois couches distinctes : l’épithélium, le stroma et l’endothélium. Cet organe a la plus forte densité d’innervation dans le corps et est composé principalement de fibres sensorielles (types Aδ et C) provenant de la branche ophtalmique du ganglion trijumeau. Les fibres sensorielles pénètrent à la périphérie de la cornée dans le stroma moyen sous la forme de gros faisceaux qui se ramifient pour couvrir la surface. Ils bifurquent ensuite pour percer la membrane de Bowmann et former le plexus sous-basal, facilement reconnaissable par la formation d’un vortex au centre de la cornée. Ces fibres se terminent par des terminaisons nerveuses libres à la surface externe de l’épithélium. Ils sont capables de transduire des stimuli thermiques, mécaniques et chimiques et de libérer des facteurs trophiques essentiels à l’homéostasie de l’épithélium 1,2. La kératite neurotrophique (NK) est une maladie dégénérative affectant l’innervation sensorielle cornéenne. Cette maladie rare provient d’une diminution ou d’une perte de sensibilité cornéenne qui se traduit par une baisse de la production de larmes et de mauvaises propriétés cicatrisantes de la cornée3. La NK progresse à travers trois stades bien décrits, du stade 1 où les patients souffrent de défauts épithéliaux, au stade 3 où une fusion stromale et/ou une perforation cornéennese produisent 4.
Cliniquement, les origines de cette maladie peuvent être diverses. Les patients peuvent perdre l’innervation cornéenne après une blessure physique à l’œil, une intervention chirurgicale ou à la suite de maladies chroniques, telles que le diabète 5,6. À ce jour, le processus de pathogenèse NK reste mal compris, et les options thérapeutiques pour cette maladie menaçant la vue sont très limitées. Par conséquent, une meilleure compréhension des caractéristiques des défauts épithéliaux est nécessaire pour mieux comprendre les mécanismes à l’origine de la régénération de ces fibres et potentiellement les favoriser. Ici, nous proposons plusieurs modèles de lésions cornéennes qui induisent la NK chez la souris.
Le premier modèle est l’abrasion de la couche épithéliale de la cornée avec une bavure oculaire. Ce modèle a été principalement étudié dans le cadre de la régénération de l’épithélium chez différents animaux, tels que les rongeurs et les poissons 7,8,9, et pour tester des molécules favorisant la cicatrisation cornéenne10,11. Physiologiquement, il faut 2 à 3 jours pour que les cellules épithéliales referment la plaie. Le schéma physiologique de l’innervation, cependant, prend plus de quatre semaines pour se remettre de l’abrasion12,13. Au cours de la chirurgie, la bavure oculaire enlève la couche épithéliale de la cornée qui contient le plexus sous-basal et les terminaisons nerveuses libres des fibres. Cette procédure peut être comparée cliniquement aux patients ayant subi une kératectomie photoréfractive (PKR) pour corriger les défauts de réfraction oculaire. L’intervention consiste à enlever l’épithélium de la cornée puis à remodeler le stroma à l’aide d’un laser14. Les patients peuvent ressentir plusieurs effets secondaires à la suite d’une telle chirurgie, tels qu’une diminution de la densité du nerf cornéen pendant 2 ans et une réduction de la sensibilité pendant une durée de 3 mois à un an après la chirurgie15. Étant donné que la chirurgie induit une fragilité du microenvironnement cornéen, ce modèle pourrait permettre d’étudier ces effets secondaires et de développer des approches thérapeutiques qui favoriseraient une réinnervation plus rapide, réduisant ainsi les effets secondaires en question.
Le second modèle consiste à sectionner les axones à la périphérie de la cornée à l’aide d’un poinçon de biopsie, induisant une dégénérescence wallérienne de l’innervation centrale 16. Cliniquement, cette méthode pourrait être comparée à la kératoplastie lamellaire antérieure, dans laquelle le chirurgien réalise une trépanation partielle de la cornée pour enlever une partie de l’épaisseur antérieure de la cornée et la remplacer par une greffe de donneur 17. Après une kératoplastie lamellaire, les patients peuvent souffrir d’un certain nombre de symptômes, notamment la sécheresse oculaire, la perte de l’innervation cornéenne et le rejet du greffon18. Ce modèle d’axotomie réalisée sur les nerfs cornéens pourrait permettre de mieux comprendre les mécanismes de la dégénérescence des fibres, qui se produit après une greffe, suivie de la régénération des axones.
La troisième méthode endommage les nerfs cornéens avec un laser. En utilisant un microscope multiphotonique sur la cornée d’animaux anesthésiés, la dégénérescence des nerfs localisés dans le champ optique est induite à la suite de la formation d’espèces réactives de l’oxygène (ROS), ce qui entraîne des dommages à l’ADN et une cavitation cellulaire19. Cette méthode récapitule les photodommages cornéens induits par une surexposition aux UV naturels (coups de soleil), qui déclenchent également la formation de ROS, entraînant des dommages à l’ADN20. Les patients qui souffrent de coups de soleil cornéens ressentent une grande douleur, car la détérioration des cellules épithéliales prive les extrémités des fibres cornéennes de tout.
Les trois méthodes décrites ici sont conçues pour permettre l’étude du processus de pathogenèse NK et de la régénération axonale. Ils sont facilement reproductibles et précis. De plus, ils permettent une récupération rapide et un suivi facile des animaux.
La kératite neurotrophique est considérée comme une maladie rare, affectant 5 personnes sur 10 000. Cependant, les personnes souffrant de NK en raison d’une blessure physique telle que des brûlures chimiques, ou des syndromes tels que le diabète ou la sclérose en plaques ne sont pas incluses dans ces statistiques3. De plus, cette affection reste largement sous-diagnostiquée22 et la prévalence de la maladie est sous-estimée. Il existe un fort besoin de nouveaux tr…
The authors have nothing to disclose.
Les auteurs remercient le Dr Karine Loulier pour l’accès à la lignée de souris transgéniques MAGIC-Markers. Les auteurs remercient également la plateforme de carottage animalier RAM-Neuro et la plateforme d’imagerie IRM, membre de l’infrastructure nationale France-BioImaging soutenue par l’Agence nationale de la recherche (ANR-10-INBS-04, « Investissements d’avenir »). Ces recherches ont été soutenues par le programme ATIP-Avenir, l’Inserm, la Région Occitanie, l’Université de Montpellier, l’Agence Nationale de la Recherche (ANR-21-CE17-0061), la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM Regenerative Medicine, REP202110014140) et la Fondation Groupama.
0.2 µm seringe filter | CLEARLINE | 51733 | |
0.5 mm rust ring remover | Alger Equipment Company | BU-5S | |
2 mL plastic tubes | Eppendrof | 30120094 | |
Algerbrush burr, Complete instrument | Alger Equipment Company | BR2-5 | |
Anti-beta III Tubulin antibody | Abcam | ab18207 | |
Antigenfix | Diapath | P0016 | |
Artificial tear | Larmes artificielles Martinet | N/A | |
Buprecare | Animalcare | N/A | |
Cotton swab | Any provider | N/A | |
Dissecting tools | Fine Science Tools | N/A | |
Fluorescein | Merck | 103887 | |
Gelatin from cold water fish skin | Sigma | G7765 | |
Goat serum | Merck | S26 | |
Head Holder | Narishige | SGM 4 | |
Heated plate | BIOSEB LAB instruments | BIO-HE002 | |
Hoechst 33342 | Thermo Fisher Scientific | H3570 | |
Imalgene 1000 | BOEHRINGER INGELHEIM ANIMAL HEALTH France | N/A | French marketing authorization numbre: FR/V/0167433 4/1992 |
LAS X software | Leica | N/A | Large volume computational clearing (LVCC) process |
Laser Chameleon Ultra II | Coherent | N/A | |
Laser power meter | Coherent | N/A | |
Leica Thunder Imager Tissue microscope | Leica | N/A | |
Multi-photon Zeiss LSM 7MP upright microscope | Zeiss | N/A | |
Ocry-gel | TVM lab | N/A | |
Parametric oscillator | Coherent | N/A | |
Penlights with blue cobalt filtercap | Bernell | ALPEN | |
Petri dish | Thermo Scientific | 150318 | Axotomy protocol |
Petridish | Thermo Scientific | 150288 | Cornea whole-mount processing |
Rompun 2% | Elanco | N/A | French marketing authorization numbre: FR/V/8146715 2/1980 |
Sterile biopsy punch 2.5 mm | LCH medical | LCH-PUK-25 | |
Triton X-100 | VWR | 0694 | |
Vectashield | EuroBioSciences | H-1000 | Mounting medium |